Lors de cet entretien, Bono a notamment indiqué qu'il avait invité les mères de la place de mai à le rejoindre sur scène lors des prochains concerts du groupe à Buenos Aires. Accepteront-elle l'invitation ?
La réunion s'est tenue hors de la présence de caméras, pour plus de discrétion.
La description de l'arrivée sur place du groupe par le site "Clarin.com" ne manque pas de sel : « Bono (c'est le jumeau de Robin Williams ?), porte une casquette vert militaire du genre de celles utilisées par Fidel Castro, ses éternelles lunettes de soleil, violettes cette fois-ci, (à noter : sur les photos, elles sont oranges...) , et des bottes qui lui donnent quelques centimètres de plus, mais ne suffisent pas à dissimuler sa petite taille. The Edge porte cet indéboulonnable bonnet noir qui dissimule Dieu sait quoi de son cuir chevelu, Adam Clayton ressemble à un aimable senior qui s'est égaré là, et Larry Mullen junior, avec ses biceps travaillés et ses bottes, ressemble à un aficionados de salle de musculation. »
La seule condition exigée pour cette rencontre était qu'il y ait aussi des questions pour Adam Clayton et Larry Mullen Jr, « sinon ils s'ennuient ». Mais dans un groupe, chacun a son rôle, celui de porte-parole revient à Bono et dans une moindre mesure à The Edge. Le batteur n'interviendra donc que rarement. Quant au bassiste, il restera silencieux pendant une heure et demie.
L'idée de départ était de créer une ambiance de camaraderie, et les membres de U2 ont joué le jeu, ressemblant à de vieux voisins devenus célèbres et, les brochettes et le vin aidant, racontant de multiples anecdotes : la fois où ils ont diné chez Franck Sinatra, la fois où Bono a rencontré le crack irlandais Georges Best, Maradona (« c'est un poète, les autres sont des sportifs »), Bangsky, le rugby, la concurrence entre Bono et Mick Jagger pour voir qui imite le mieux Bob Dylan.
A la question de savoir comment a évolué leur relation en 35 ans, The Edge a répondu qu'ils ont une véritable amitié : "Notre relation est cohérente. Nous étions amis avant que le groupe devienne professionnel, et cela s'est maintenu au fil des ans. L'amitié est notre arme secrète".
Et Bono d'ajouter : « Nous nous améliorons dans le sens d'une plus grande ouverture. Ce déjeuner en fait partie : il y a des gens intéressants en dehors du groupe : des politiques, des scientifiques, des écrivains. Et ils veulent te connaître. Nous essayons d'être moins tournés vers nous-mêmes, de sortir de cette prison. Le pire, quand on est une rock star, c'est de vivre enfermé et de ne juger un endroit que par rapport au room service de l'hôtel. « La Russie ? Ca ne m'a pas plu parce que les ufs étaient froids ! ». Avec l'Argentine, il y a une alchimie, et comme nous sommes curieux, nous essayons de comprendre pourquoi. Nous sommes tombés amoureux de ce pays à cause de sa beauté. Il y a beaucoup de choses très étudiées dans la façon dont Buenos Aires est organisée, y compris les changements de couleur des arbres au fil des saisons. Peut-être y a-t-il des choses plus importantes à penser. Peut-être pas ».
Bono a ensuite évoqué une fois de plus la façon dont The Claw a été conçue, ajoutant : « Tous les concerts, de Madonna, des Rolling Stones, des Pink Floyd, tous sont organisés de la même façon : le public en face de la scène. C'est toujours la même chose et c'est merveilleux de changer ça. Ca nous a pris beaucoup de temps et de travail, parce qu'il faut être responsable : les gens paient cher. Nous venons du punk-rock, nous avons vu les Clash, et ça a tout changé pour nous. C'était un mouvement contre le rock progressif, où on avait l'impression que les musiciens venaient de l'espace pour nous bénir avec leur présence, en se moquant de ce qui se passait. Avant, les rock stars n'étaient pas des être humains : la seule chose qui importait était leur humeur : si elles étaient bien virées, le show était bon, si elles étaient de mauvaise humeur, ça n'avait pas d'importance. Il n'y avait pas de lien.
Je vois d'autres changements dans le rock : je suis jaloux de voir que les comédiens sont en train de prendre le rôle traditionnel des rockers : dire les choses que personnes ne disait. A l'heure actuelle, des comédiens comme Chris Rock ou Zach Galifianakis le font. Le rock est devenu prévisible. Arcade Fire est un groupe intéressant, parce qu'il explore l'âme humaine ».
The Edge a ajouté : « Les gens sont un peu assoupis. J'aimerais qu'en Europe et aux Etats-Unis, le rock soit davantage éveillé politiquement. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe en Afrique : là-bas, les jeunes montrent que le changement est possible. »
De l'Afrique à l'Amérique latine, il n'y a qu'un pas. Bono a annoncé qu'il inviterait les Mères de la place de mai aux prochains concerts, que peut-être aujourd'hui, il rencontrerait Cristina Kirchner (Présidente de l'Argentine) et parlerait de la façon dont ils voient l'Argentine : « Pour aller de l'avant comme pays et comme peuple, il faut regarder le passé en face. Au Royaume Uni, ils ont fait des investigations sur le « Bloody Sunday » jusqu'au fond des choses, et cela a amélioré nos relations avec ce pays. Et même si 35 ans, ça paraît beaucoup, il faut faire des recherches. Sinon, c'est comme une famille qui fonctionne mal, et qui ne parle pas de certaines choses ».
Une fois le dessert et le café terminés, les quelques instants restant ont été consacrés à critiquer le MP3 (« ça ne vaut pas le vynil »), à faire quelques photos, et à signer des autographes à la sortie de l'hôtel pour des curieux qui n'en croyaient pas leurs yeux.
Article original ici :
Antes, las estrellas del rock no eran personas
Un autre article paru dans La nacion reprend globalement les mêmes points de la conversation entre les journalistes et les membres de U2, mais avec une traduction plus détaillée, et aussi quelques détails supplémentaires.
Quelques exemples :
- Présence de Paul Mac Guiness à ce repas : « Le seul qui soit sérieux »
- Sur les raisons de cette réunion informelle, données par la représentante néo-zélandaise de U2 : « Ils veulent qu'on se rende compte qu'ils sont des êtres humains ( .) et qu'on puisse comprendre un peu mieux la chimie qui existe entre eux lorsqu'il n'est pas nécessaire de parler d'un disque ou d'un concert en particulier ».
- A propos l'écologie, The Edge : « Quand nous avons commencé à penser à The Claw, le monde était différent. On nous questionne fréquemment sur les aspects écologiques du montage d'une telle scène, et nous en tenons compte. Même si les gens ne se posent jamais la question pour d'autres types d'événements comme les jeux olympiques ou les coupes du monde, où on ne cherche jamais à avoir un bilan carbone neutre. Nous pensons que le rock and roll est très responsable de cela».
- A propos des fans passant 5 jours à les attendre devant le stade, Bono très étonné : « Peut-être devrions-nous songer à leur apporter des pizzas ». The Edge : « Toutes ces choses font que monter sur scène chaque soir est pour nous une grande responsabilité ».
- A propos de leur énergie morale et physique après toutes ces années :
The Edge : « C'est sûr que maintenant, c'est différent, mais nous essayons de l'utiliser en notre faveur. Quand on est immergé dans tout cela, j'aime y être, mais c'est certain qu'il y a quelque chose dans l'énergie du rock and roll qui te vide ».
Bono : « Récemment, j'ai vu les Who et c'était très intéressant, parce que j'ai pu me rendre compte de l'effet physique que produit Peter Townshend à la guitare, qui évidemment est très violent. C'est comme s'il y avait des sons d'un nature très violente et en même temps, comme s'il avait dans les mains une arme extraordinairement puissante. Mais j'étais si proche que j'ai pu voir qu'il se déplaçait de façon très douce. Quelque chose que je n'aurais jamais imaginé. C'était de la danse. Et ça a été incroyable pour moi de me rendre compte que le niveau d'énergie ne vient pas du corps, mais de la musique, du type de musique que tu fais et de la façon dont tu joues".
- A propos de leur évolution, Bono : « Ce qui est révolutionnaire à l'heure actuelle est tout à fait différent de que qui l'était quand nous avons débuté. Je crois que notre groupe a débuté avec un album qui était une ode à l'innocence. A ce moment-là, le rock and roll avait pour objet de détruire cette innocence. Et nous avons écrit un disque différent pour l'époque. Notre second disque était sur l'expérience religieuse, et c'était comme si nous avions commis un crime. On aurait pu écrire sans problème un disque sur la façon de cogner sur sa mère, mais c'était illégal et interdit d'écrire au sujet de ta foi. Bob Dylan a été une exception. Patti Smith aussi, mais globalement, dans notre monde, écrire un disque comme ça était illégal. La maison de disque que nous avions quand nous avons sorti notre deuxième disque nous a beaucoup appuyés, car ils croyaient que les artistes ont le droit de se poser des questions en relation avec la foi.
Pour le rock and roll fait par des blancs, il y a des règles non écrites très strictes qui doivent voler en éclats. Et je crois que c'est là que ça devient intéressant. Arcade Fire par exemple, m'a fait entendre des choses que j'avais déjà comprises dans notre groupe. Il n'y a rien de commun entre les deux groupes, mais il y a un intérêt pour l'exploration, pour l'esprit humain, une tentative pour comprendre ce que c'est que d'être éveillé, vivant, la peur de la mort, le sens de la communauté. Quand je les écoute, je me rends compte que toutes ces idées sont toujours bien vivantes ».
Article original ici :
La nacion : Almorzando con U2
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