Interview de The Edge à propos du documentaire The Break
Interview de The Edge à propos du documentaire The Break
Jolie interview, un peu personnelle pour une fois, où il parle avec sa douceur et son humanité habituelle.
Pour ceux qui s'intéressent à la musique, pas de nouvelle révolutionnaire (le groupe U2 n'est pas pressé de retourner en studio, mais il a de la matière sur quoi travailler) et vous pouvez passer directement à la dernière question, où The Edge explique ce qu'il écoute en ce moment.
Voici la traduction de l'article de The Wrap :
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Les dieux du rock ont les mêmes relations embarrassantes avec les mendiants que vous.
Le guitariste de U2, The Edge, producteur du programme sur les jeunes sans-abri « The Break », diffusé vendredi sur MTV, déclare que lui aussi, de temps en temps, se sent un peu perdu lorsqu'il s'agit d'aider les gens dans la rue.
« Il y a ce truc affreux, quand vous réalisez que vous ne pouvez rien faire sur le moment, donc vous faites comme s'il n'y avait personne », a-t-il déclaré à The Wrap. "Et je pense que pour quelqu'un qui est sans-abri, et particulièrement pour quelqu'un qui fait la manche, c'est la chose la plus difficile, émotionnellement parlant, de devenir comme une « non-personne ». Comme si vous n'existiez littéralement pas pour quelqu'un qui passe à coté de vous ».
Et je comprends les deux cotés, ajoute-t-il : La personne qui passe ne sait pas quoi faire. Alors, elle occulte l'autre personne. Et c'est affreux de voir ça arriver. Je me suis rendu coupable de ça moi-même de temps à autre ».
Le musicien et activiste, qui dit donner habituellement de l'argent aux sans-abri qu'il croise, a passé trois décades à travailler sur des causes sociales comme la famine en Afrique en tant que membre du groupe U2, qui a réalisé la tournée la plus importante de 2011. Il a fait campagne pour des causes et organisations de «Make Poverty History» à Amnesty International.
Avec The Break, The Edge et Anne Mahlum, avocate des sans-abri, font le portrait de trois jeunes gens qui vivent dans la rue, et essaient de les aider à reconstruire leurs vies. Il s'agit d'une femme qui a vécu des relations violentes, d'un batteur talentueux qui a été victime d'une descente aux enfers et d'une femme qui a quitté son domicile car ses parents n'acceptaient pas qu'elle soit lesbienne. The Edge a également écrit une chanson pour l'émission : « There's No Home Like Place ».
The Edge a déclaré que U2 commence doucement à penser à travailler, mais que le groupe n'est pas pressé de retourner en studio, malgré une grande quantité de matériel. Ils sont plutôt en train d'écouter plein de musique. Après que nous ayons parlé de l'émission, il nous a dit ce qu'il est en train de jouer.
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The Wrap : Qu'est-ce qui vous a intéressé à propos de ce projet ?
The Edge : C'est quelque chose qui m'a inspiré très tôt. Je me posais des questions à propos de ma façon d'avoir ou non des relations avec les personnes sans-abri, et j'ai commencé un genre de voyage pour répondre à certaines questions pour moi-même. Et en chemin, j'ai commencé à penser à la façon dont les sans-abri sont réellement complètement marginalisés, et très fréquemment privés de leurs droits.
Ils souffrent de visions stéréotypées de la façon dont ils en sont arrivés là. Moi, j'ai appris qu'en réalité, il y a une multitude de raisons qui peuvent entraîner les gens à devenir sans-abri. Il n'y a pas deux histoires semblables. J'ai pensé que c'était le moment de faire un peu plus qu'une étude intelligente du problème. C'est particulièrement important en période de crise économique.
J'ai pensé que si nous pouvions intervenir pour changer quelque chose dans la vie des gens, ça pourrait être avec une émission de télévision qui pourrait être édifiante et inspirante, plutôt que de montrer une émission aux gens, et qu'ils se sentent mieux après avoir vu un tas de mauvais comportements. Mais aussi que ça pourrait être un motif d'espoir et d'inspiration pour les personnes sans-abri qui auraient l'occasion de le voir.
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The Wrap : La question de savoir comment aider est un dilemme particulièrement intéressant pour vous. En tant que membre de U2, vous êtes l'une des personnes les plus approchées du monde pour aider à défendre un certain nombre de causes. Comment faites-vous pour décider ce que vous allez faire ?
The Edge : C'est dur de penser qu'on peut enlever l'aiguille, faire la différence...Et naturellement qu'on ne peut pas tout faire, car ce serait tellement dilué que ça n'aurait aucun impact. C'est quelque chose d'important.
Et vous finissez par vous investir dans les choses qui vous inspirent et vous émeuvent. Comme Bono et le travail qu'il fait pour l'Afrique. Il s'est trouvé en Afrique à un moment crucial de sa vie et a été témoin de nombreux problèmes liés à la famine. Et ça lui est resté. Pour moi, il y avait quelque chose en moi à propos des sans-abri, comme une voix disant juste : "Tu dois trouver un moyen de t'engager là".
Il y a un certain nombre d'histoires qui m'ont inspiré : par exemple celle de ce sans-abri irlandais de Dublin célèbre pour avoir sauvé le chauffeur d'un bus qui était tombé dans la rivière Liffey. Avec un passant, ils sont arrivés à monter sur le bus car l'avant était dans l'eau mais l'arrière était accessible depuis un pont. Ils sont passés par la vitre brisée et ont réussi à sortir le chauffeur et à lui sauver la vie. Mais le sans-abri est reparti dans la nuit avec ses vêtements trempés pour dormir à la dure. Ca m'a marqué comme une histoire vraiment tragique, et je n'ai pas été le seul : ça a été un événement en Irlande.
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The Wrap : Vous n'êtes jamais passé par les luttes que connaissent les sans-abri, mais quand vous étiez enfant ou pendant les débuts de U2, est-ce qu'il y a eu un moment où vous êtes senti proche des marginaux ?
The Edge : Des amis à nous, vraiment à nos débuts, traînaient dans des immeubles abandonnés et tout ça, c'était une sorte de rite initiatique, particulièrement si vous vouliez vous intégrer dans un groupe punk. Mais personnellement, non, je n'ai jamais eu l'expérience de ne pas avoir de logement. Même s'il y a des gens que je connais qui ont eu des moments sans-abri, je ne me mets pas en avant comme expert en sans-abri.
En fait, Anne Mahlum, l'avocate qui a fait tout le gros boulot du show, est vraiment la personne qui a rendu tout cela possible. Sans elle, on n'aurait même pas commencé le film. Elle a apporté tant de son expérience personnelle à cette merveilleuse initiative, « Back on my feet », qui depuis des années à ramené des douzaines de sans-abri à une vie sociale normale.
Anne a l'habitude de ne pas être seulement avocate, mais activiste. Elle essaiera toujours d'aider les gens à aller de l'avant de la façon la plus délicate possible.
De la même façon, elle dit que personne ne veut être sans-abri, mais que beaucoup de personnes sans-abri ne savent pas quoi faire. C'est quelque chose de délicat. Ce n'est pas la question de savoir comment demander de l'aide, c'est d'avoir le sentiment d'être digne de recevoir de l'aide. Et d'avoir le courage et la force de lever la main, de réaliser que vous en avez besoin et de la trouver.
Au début de ce projet, nous ne savions pas ce qui allait arriver. Nous espérions que les interventions allaient avoir une issue positive mais il n'y avait aucune garantie. Et ça a marché avec Nancy, avec Rob et avec Ava, les trois personnes sans-abri dont nous avons fait le portrait. Ils ont montré une grande aptitude à profiter de cette occasion et à briser le stéréotype selon lequel si vous êtes sans-abri, vous ne voulez pas changer, vous ne voulez pas travailler, vous ne voulez pas améliorer votre situation.
Ce que j'ai appris en faisant ce film, c'est que ce qui est crucial pour qui que ce soit pour progresser dans la vie, c'est d'être intégré dans une communauté : personnes qui vous aident, famille, amis, relations de travail, peu importe. Quand quelqu'un n'a personne pour l'aider, ce n'est pas difficile de tomber dans des problèmes tels que de ne pas avoir de logement. Reconnecter ces jeunes gens, faute de famille ou d'amis, à une nouvelle communauté semble être une étape majeure pour les aider à aller de l'avant.
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The Wrap : Vous avez écrit tant de chansons associées à des causes. Est-ce que vous commencez toujours en vous disant : « Je veux faire quelque chose à propos de ce problème, et peut-être une chanson pourrait-elle aider ? » Ou est-ce que ça évolue en dehors de votre musique ?
The Edge : Ce sont des chemins différents. Dans la plupart des cas, avec U2, la musique arrive en premier. Les paroles viennent de la musique et du contenu émotionnel que la musique semble suggérer. Dans le cas de la musique que j'ai composée pour le documentaire, j'ai essayé d'écrire au sujet de la question des sans-abri. Dans beaucoup de domaines, nous cherchons un logis, nous sommes tous en train de chercher.
Mais le manque de place physique pour vivre, c'est tellement handicapant, j'ai pensé que c'était la seule façon de le décrire pour quelqu'un qui est dans cette situation.
Ca vous empêche de faire tant de choses ! Juste par exemple voter, trouver un travail... Tant de choses sont plus difficiles si vous n'avez pas d'endroit pour vivre. Il faut qu'on améliore ça.
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The Wrap : Et est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous écoutez en ce moment ?
The Edge : Il y a un album tout à fait digne d'intérêt intitulé : « The English Riviera » par Metronomy. C'est un disque assez intéressant : intemporel et bizarre à la fois. Et aussi très frais. J'aime ça. Foster The People est vraiment bien, juste pour de la pure mélodie. Et Bon Iver (j'aime l'innovation au niveau du son) est un album très intéressant.
L'interview en VO ici :
The Edge talks about his MTV homelessness special
Par U2achtung / Lien permanent vers la news
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