Dans un article paru hier dans le Irish Times, Bono revient sur la génèse de Songs Of Innocence.
U2Achtung vous propose de retrouver ci-dessous l'intégralité de la traduction de l'article.
Dans cette longue interview le chanteur revient sur les intentions du groupe avec ce treizième album, sur la présence très forte du souvenir dans sa mère, et sur les jeunes années des quatre paddies, dans le Dublin des années 70. Ce n'est pas tout : il aborde également le sentiment qu'il a sur le groupe, la collaboration avec Apple, le prochain album (déjà !) et la tournée à venir.
Une interview touchante et intéressante, qui permet de voir cet album sous un angle différent.
Le Dublin de Bono : 'Loin de chez moi'
Au moment où U2 luttait pour boucler leur nouvel album, ils ont été chercher leur inspiration dan le Dublin des années 1970, un endroit empli d'une violence invisible, le lieu d'origine d'une scène musicale new-wave et d'un groupe d'ami qui n'étaient pas encore U2. « On a remué beaucoup de merde », raconte Bono.
Bono se penche vers moi de sorte que nos nez se touchent presque, et il change, seul, « La vie commence par le premier regard, le premier baiser et la première danse, on se demande tous pourquoi on est là, dans la Crystall Ballroom sous le chandelier...Nous sommes les fantômes de l'amour et nous hantons cet endroit, dans la salle de danse aux lumières de cristal, tout le monde m'accompagne ce soir ,tout le monde sauf toi. ». C'est du chant traditionnel irlandais avec des lunettes.
« Il faut que je te dise quelque chose de vraiment bizarre à propos de cette chanson » dit-il. « Elle s'appelle The Crystal Ballroom, c'était le nom de McGonagles dans South Anne Street (démoli depuis). Toute une génération de dublinois y allaient pour danser, et beaucoup de couples se sont formés là-bas. Ma mère et mon père avaient l'habitude de danser ensemble au Crystal Ballroom, du coup la chanson que je viens de te chanter, qui n'est pas encore sortie, raconte comment je m'imagine sur la scène de McGonagle's avec ce nouveau groupe auquel j'appartiens, appelé U2...nous avons joué pas mal de concerts importants là-bas au début de notre carrière. Je regarde alors le public et je vois mes parents qui dansent ensemble tendrement au son de U2 jouant sur scène ».
Bono inspire longuement, et dit en parlant doucement : « Je viens de réaliser que ma mère est morte il y a 40 ans hier, et nous voici aujourd'hui à jouer notre nouvel album qui parle de Dublin, de ma famille, et de ce qui m'est arrivé quand j'étais adolescent.
« Ma mère est morte alors qu'elle assistait à l'enterrement de son père, elle a eu une rupture d'anévrisme. J'avais seulement 14 ans. Dans cette chanson, je chante « Tout le monde est là ce soir, tout le monde sauf toi ». Parce que je voudrais voir ma mère danser encore au Crystal Ballroom, et qu'elle voit e que son fils est devenu. »
Tout sur ma mère
Nous sommes dans une pièce sans fenêtre au QG d'Apple dans la Silicon Valley, dans la ville californienne de Cupertino. U2 vient de donner un coup de main au lancement d'une gamme de produits Apple, et on vient d'annoncer que leur nouvel album Songs Of Innocence était offert aux clients d'iTunes.
The Edge est là aussi. Il fouille dans son téléphone, trouve The CrystalBallroom et appuie sur la touche lecture. La pièce est silencieuse pendant que passe la chanson. Après une longue pause, un Bono visiblement secoué murmure : « Son esprit était avec nous aujourd'hui » .
Ce nouvel album de U2 pourrait être le Tout Sur Ma Mère de Bono. Sur la chanson Iris (Hold Me Close) (Iris est le prénom de sa mère), Bono raconte sa mort prématurée. « Cette douleur dans mon cœur Fait tellement partie de moi...Serre-moi fort et ne me lâche pas...J'ai ta vie au fond de moi...On se rencontre à nouveau ».
Alors qu'il se lève et arpente la pièce, il insiste sur un vers de la chanson « Je chante ce vers qui dit 'Iris qui se tient dans l'entrée, elle me dit que je peux tout faire' et c'est un vers typiquement maternel lorsqu'elle me dit 'Tu seras ma perte'. Mais ce n'était pas moi. Je n'ai pas causé sa perte. Je n'ai pas causé sa perte.
« L'image de la mère est tellement, tellement importante dans la musique rock. Montrez-moi un bon chanteur, et je vous montrerais quelqu'un qui a perdu sa mère tôt. Il y a Paul McCartney, il y a John Lennon. Prenez Bob Geldof et ce qui est arrivé à sa mère.
« Dans le hip-hop, à l'inverse, il s'agit surtout du père : être abandonné par son père et être élevé par une mère célibataire. Mais pour moi, il s'agit surtout de la mère. J'ai eu de la peine et de la colère pour ma mère. J'ai toujours de la peine et de la colère pour ma mère. J'ai canalisé ces émotions dans la musique, et je le fais toujours. J'ai très peu de souvenirs de ma mère, mais tous ceux qui me restent sont dans la chanson Iris ».
La mère de Bono l'a vu sur scène une seule fois, avant U2, mais Bono a dit que s'il pouvait revivre un seul et unique moment dans sa vie, alors il retournerait à l'instant où il chantait pour sa mère pour la première fois. Lorsqu'il avait 14 ans, Bono (juste Paul Hewson à l'époque), avait des rapports difficiles avec son frère Norman (de 8 ans son aîné) et son père, alors qu'il grandissait sur Cedarwood Road, à Glasnevin dans le nord de Dublin, juste après la mort de sa mère.
Orphelin de mère, Bono allait frapper chez ses voisins : les Rowen pour le déjeuner, les Hanvey à l'heure du thé. Derek Rowen allait devenir Guggi. Fionan Hanvey allait devenir le musicien Gavin Friday, des Virgin Prunes.
Dans le nouveau titre du groupe Cedarwood Road, Bono parle du cerisier en fleurs dans le jardin des Rowen. « Je cherchais une âme qui soit réelle. Puis je suis tombé sur toi, et ce cerisier en fleurs était une porte vers le soleil ». Dans les banlieues de Dublin des années 1970, le cerisier en fleur « était la chose la plus luxueuse qu'on pouvait imaginer » dit Bono.
The Edge se joint à la conversation, donnant quelques détail sur la politique du Comté de Dublin en matière de cerisiers. Je n'ai pas la moindre idée de comment il peut savoir tout ça.
Finglas, Cabra, le SFX
Songs Of Innocence, c'est U2 qui essaie de retrouver ses racines d'adolescents de la fin des années 70 à Dublin, sa scène musicale new-wave qui tournait autour de McGonagles, du Dandelion Market et des virées bizarres au SFX ou au Top Hat, à Dun Laoghaire.
« Il s'agit de nous, nous demandant ce qui nous a donné envie d'être dans un groupe de rock au tout début, des personnes qui gravitent autour du groupe et de nos premiers voyages, géographiques, spirituels et sexuels. C'était difficile et cela a pris des années. Disons-le ainsi : on a brassé beaucoup de merde », dit Bono.
Avec des chansons parlant de Finglas, d'aller voir les Ramones jouer au Cabra Grand, et de prendre le bus jusqu'au pour aller voir les Clash jouer au Trinity College, cet album semble à des années-lumières de leur dernier. D'une certaine manière, il l'est.
Quand Bono s'est confié au Irish Times au moment de la sortie de No Line On The Horizon en 2009, il a invité le reporter dans le bureau de sa maison de Dalkey, a ouvert les fenêtres et lui a montré la vue sur la Mer d'Irlande, un panorama dans lequel aucune ligne n'était visible à l'horizon (en tout cas ce jour-ci). La récession en Irlande empirait, et une star du rock multimillionnaire donnait à son album le titre de la vue magnifique dont il pouvait profiter tous les jours.
Mais l'image qu'a donnée le groupe à voir au monde entier cette semaine, depuis la fête de lancement Apple à Cupertino, a été très différente : un album type vinyl qui imite le style de la première sortie du groupe en 1979, l'EP U2 Three.
Les attentats de Dublin
En 2009, Bono m'avait montré des œuvres d'art que Frank Sinatra lui avait fait connaître. Aujourd'hui il parle de Superquinn à Finglas (le tout premier endroit où on lui a demandé un autographe, après la toute première apparition du groupe au Late Late Show), il parle du U2 qui faisait les premières parties des Stranglers au Top Hat (« Ils nous traitaient comme de la merde, alors on a volé tout leur vin et on s'est juré que lorsque notre heure de gloire arriverait, on traiterait tout le monde avec respect »), il parle aussi de prendre le bus jusqu'à Marlborough Street pour aller fouiner chez les disquaires du coin.
Cette expérience se retrouve dans la nouvelle chanson Raised By Wolves, une espèce de Sunday Bloody Sunday qui évoque les attentats de 1974. « Les bombes étaient programmées pour exploser toutes à la même heure, un vendredi soir à 17H30 », raconte-t-il. « A cette heure-là, en 1974, je me serais trouvé au magasin Golden Discs dans Marlborough Street, juste à l'angle d'où les bombe sont explosé. Mais ce jour-là j'étais allé à l'école en vélo, alors je n'ai pas pris le bus pour aller en ville comme d'habitude ».
Mais cet album n'est pas empreint de nostalgie. Bono se souvient aussi de la violence et des raclées infligées aux membres de U2 et à leur copain des Virgin Prunes. « Je ne parle pas tant des Black Catholics ici que de la façon que nous avions d'attirer la violence, à cause de notre look et des groupes que nous aimions », dit-il. « Gavin Friday avait l'habitude de se prendre des coups à la tête tout le temps. Mais à cette époque Gavin avait une grosse tête débile ».
« Je suis allé encore un peu plus loin et je me suis souvenu de toute la violence infligée aux femmes par leurs maris, les raclées que prenaient les enfants de la part de leur père et, surtout à cette époque, des prêtres qui abusaient des jeunes enfants ».
Et il y avait du dégoût musical de soi-même ; Quand Bono avait 17 ou 18 ans il pensait ne pas avoir la moindre chance d'être dans un groupe. « Parce que je chantais comme une fille. Je n'avais aucune chance de devenir un chanteur punk-rock ou un chanteur de rock avec ma voix de fille. », raconte-il. « Mais j'ai trouvé ma voix grâce à Joey Ramone, en l'entendant chanter une fois à Dublin. Joey avait aussi une espèce de voix de fille quand il chantait, et ça m'a permis de me lancer ».
Plus tôt ce matin, à la keynote Apple, ils ont joué leur nouveau titre The Miracle (of Joey Ramone) ; qui a transporté tous les techos de Cupertino au Cabra Grand, qu'ils le connaissent ou pas.
J'aimerais qu'on soit un meilleur groupe
Le dégoût musical est toujours là. « Honnêtement, j'aimerais qu'on soit un meilleur groupe. J'aimerais qu'on soit un groupe plus talentueux. La raison pour laquelle nous avons mis des années à faire cet album, c'est ça », dit Bono.
The Edge précise : « En tant que groupe, nous avons toujours balancé entre la puissance et le bruit. Mais maintenant U2 a énormément de zones sombres. Il ne s'agit plus de puissance, ce qui est bien, ou de bruit, ce qui est mal. Il faut savoir quand ça ne fonctionne pas entre nous, et la chose la plus destructrice est d'avoir presque réussi. »
« Il s'agit également de l'insoutenable humilité dont je dois faire preuve en ce moment », dit Bono. « Le fait que je nous pense incapable d'atteindre l'excellence. Jimmy Iovine, un ancien producteur de U2, m'a dit quelque chose de très dur. Il m'a dit 'Tu est très loin de chez toi'. Et ça m'a fait mal. Je vis à Dalkey, amis je suis de Cedarwood Road, et je sais ce qu'il voulait me dire lorsqu'il a dit ça. Ça m'a vraiment mis mal à l'aise d'entendre ça. C'est précisément la raison pour laquelle cet album est centré sur Dublin. »
Albums, argent et tournées
Le deuxième album
Bono explique qu'un petit frère à Songs Of Innocence, baptisé Songs Of Experience, va bientôt sortit. « On va collaborer avec Apple pendant un petit moment sur des trucs très sympas, et Songs Of Experience devrait être bientôt prêt. Je sais que j'ai déjà dit ce genre de chose auparavant »...
Le fin mot de l'histoire
Contrairement aux annonces disant que U2 avait donné Songs Of Innocence à Apple afin qu'il soit distribué gratuitement, Bono confirme que le groupe a reçu de l'argent pour cette opération. « Nous avons été payés, dit-il. « Je ne crois pas à la musique gratuite. La musique est un sacrement. ».
La tournée
« La date de la prochaine tournée de U2 n'est pas encore définitivement fixée, mais ce sera l'an prochain »explique Bono. « Il nous faut de bonnes idées pour pouvoir repartir sur la route en live. Attendez-vous à quelque chose de nouveau, quelque chose de frais ».
Nos sources :
Bono's Dublin: 'A long way from where I live'
Par U2achtung / Lien permanent vers la news